CCAF – Cahiers 5 - Clinique des passions 1 – Journées d’étude des 20 et 21 juin 1987INTERFACES Patrick ALARY I - Position du problème
Clinique des Passions. Deux associations me viennent à l'esprit à propos de ce thème : Clinique, tout
d'abord, et pourquoi pas Passion de la Clinique, qui pourrait être le sous titre de cette réflexion. Paranoïa
ensuite, seule psychose où la passion est inscrite dans la clinique de l'une de ses formes délirantes.
La clinique et les psychoses sont donc les deux sceaux de ce travail.
Le retour de la biologie au devant de la scène psychiatrique, l'évolution nosographique sous l'influence
du DSM III (Diagnostic Statistical Manual of Mental Disorders) et l'apparent recul de l'analyse, posent la
question de la prise en compte non du sujet, mais des sujets de la folie, et donc d'une clinique du sujet. Ainsi
risque-t-on de voir apparaître des schémas étiologiques, qui pourraient, par exemple, réduire le désir à un affect
et en proposer un modale expérimental, quantifiable, reproductible.
Il existe aujourd'hui plusieurs voies d'abord de la psychose :
La première, clinique, vise classiquement la description des phénomènes, description prenant en
compte les éléments diachroniques et synchroniques, inscrivant dans le processus l'évolution et les interactions
La seconde, biologique, permet un retour en force de la théorie lésionnelle, et donne à la psychiatrie le
véhicule pour réintégrer le domaine médical. Il n'est que de voir les publications actuelles pour s'apercevoir à
quel point elles ressemblent aux autres publications. Cependant, les résultats sont contradictoires, fragmentaires,
parcellaires et, bien souvent, on en est encore au stade des hypothèses.
Enfin, la troisième, analytique, cherche à proposer un "traitement possible de la psychose", étant
entendu qu'il s'agit de déterminer de quelle psychose on entend parler. La forclusion, concept forgé par Lacan à
l'instigation de Pichon, fonctionne-t-elle dans la paranoïa comme dans la bouffée délirante, dans la
schizophrénie comme dans la psychose maniaco-dépressive ? Ou bien ne s'agit-il que d'une spéculation, en
devenir, l'image de ce que fût pour Freud la pulsion de mort ?
D'autres approches sont possibles. Nous nous limiterons ici à ces trois là qui marquent notre propre
Une confrontation est nécessaire, nous semble possible. C'est le joint même des interfaces.
Ces réflexions vont s'articuler autour d'un cas clinique, qui me parait à même de situer les questions. Jean-Pierre
Jean-Pierre va avoir 28 ans. Il est suivi en Hôpital de Jour depuis près de 3 ans.
Son histoire pathologique débute en 1974, il a 15 ans. Il est vu alors en milieu médical pour "anorexie
atypique". Le problème de poids est rapidement corrigé par un régime, mais il refuse de parler, ou se cantonne à
des banalités. Il est apragmatique, clinophile, ne semble jamais content de la présence des autres. Il présente "un
trouble grave au niveau de l'image de soi-même qui n'est pas investie d'une identité, ce qui entraîne une
angoisse avec, pour l'annuler au maximum, tous les moyens pour la fixer son stade actuel. Le monde extérieur
est vécu comme agressif, dangereux, et il tente de s'en couper. Les images parentales sont mises à distance dans
leur fonction (époux, parents) et investies d'un amour tyrannique".
A l'époque où sa scolarité se dégrade, Jean-Pierre est surtout un accordéoniste brillant. Il a d'ailleurs,
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sur les conseils de son professeur, enregistré une maquette de disque, souvenir aujourd'hui tabou. Son pire avait
Il a fait plusieurs tentatives de suicide.
Il sera suivi pendant plusieurs années par une équipe pédopsychiatrique sous forme de psychothérapie.
Des entretiens avec les parents seront tentés, mais ne s'effectueront pas régulièrement. Ceux-ci, agriculteurs
modestes, trouvent toujours un prétexte pour éviter de rencontrer ensemble les thérapeutes.
La maladie de Jean-Pierre a ravivé des conflits avec la génération des grands-parents : sa mère, mal
acceptée, est considérée comme responsable par les parents du père. Sa propre mère supporte assez mal cet enfant
fou. C'est la "faute la mère". Le nom de jeune fille de la mère est le nom d'un mois.
Dans le petit village à l'écart duquel ils vivent, Jean-Pierre va devenir le fou, la terreur vociférante. Les
gens se calfeutrent chez eux quand ils l'entendent arriver. On le moque, on lui jette des cailloux. Élève en
primaire, il a déjà été l'objet de brimades de sa maîtresse qui, pour le punir, lui demandait de faire le cochon, à
quatre pattes autour de la classe. Il dérange, et ses parents sont discrètement écartés de la vie sociale.
En 1983, alors qu'il n'est plus suivi depuis deux ans, il est hospitalisé en secteur adulte : il présente
des colères impulsives, une angoisse massive, un repli sur lui-même. Il a des stéréotypies gestuelles et
verbales : la structure des mots et des phrases est perturbée, il utilise des néologismes en un salmigondis parfois
incompréhensible, la syntaxe est désintégrée : "26 novembre" (sa date de naissance), "ils sont forts les gars du
26 novembre", ou bien "27 novembre, jour de la Sainte Séverine", "je veux rester là tout petit", "scorpion" ou
"sagittaire", "100 ans Baranne les chaussures en cuir", "Jean Pierrot gourmand ou gourmet", "il me bigne çui
là", "il faut aimer les belles choses", "j'ai fait de l'égocentrisme", "les culs de Skubeski s'illuminent…" qu'il
Il éclate brutalement de rire, après un moment de colère, frappe impulsivement celui ou celle qu'il
déclare aimer, fait les cent pas dans le service, aime et déteste son père, se fixe sur un autre patient qu'il appelle
Papa. Dans certains accès de violence, il précise "je suis Hitler", mais aussitôt "j'ai peur de mourir".
Neuro1eptis, son évolution restera semblable pendant des mois, marquée par les interventions de la
mère qui nie la maladie du fils. A sa sortie, un rejet social intervient qui entraîne une ré hospitalisation. Peu de
temps après, il sort de nouveau pour être suivi en Centre de Jour.
Trois axes organisent sa prise en charge :
- une rencontre hebdomadaire, où il est allongé, à sa demande, car moins angoissé par cette position.
- une rencontre bimensuelle avec ses parents, depuis 18 mois.
- un traitement neuroleptique et thymorégulateur.
Aujourd'hui, Jean-Pierre participe plus la vie du groupe auquel il est intégré, a retrouvé une vie
familiale normale malgré les aléas évolutifs, y compris avec ses grands-parents, et s'il présente toujours une
tachykinésie et des impulsions verbales, il est capable de parler de choses qui l'entourent et, surtout, a
développé un remarquable talent d'imitateur.
Il participe également à la vie de la ferme.
Les troubles de l'humeur rythment l'évolution, avec de fréquents accès maniaques.
Jean-Pierre a donc de façon prédominante un "syndrome négatif de discordance évoluant rapidement".
Le début de la maladie a été "insidieux et progressif" avec un "comportement puéril et capricieux". L'évolution
initiale a été "déficitaire avec des crises clastiques", la verbalisation s'est, un temps, appauvrie, il est "sorti de la
réalité". Il présente des stéréotypies, des impulsions, un maniérisme il sue, rougit, hypersalive. Il est sans cesse
en mouvement, a des fous rires : bref, il présente une hébéphrénie.
Il nous est apparu nécessaire de ne pas en rester là et de réfléchir, en fonction de nos axes de prises en
charge, ce diagnostic et ce qu'il pouvait en advenir. CCAF – Cahiers 5 - Clinique des passions 1 – Journées d’étude des 20 et 21 juin 1987Le diagnostic
Le diagnostic est une opération médicale qui permet de reconnaître les symptômes, de les classer en
syndrome pour instituer, dans les meilleurs cas, un traitement.
Historiquement, le diagnostic a d'abord été descriptif, emprunt de la connotation culturelle du temps
(Hippocrate et les hystériques, Wier et les possédés, Itard et Victor de l'Aveyron…). Pinel fonde la psychiatrie
(et "libère le malade mental") dans sa Nosographie philosophique (1798) et dans son Traité medico- philosophique de la Manie (1801). Les héritiers de cette clinique sont Esquirol, Régis, Seglas, Wernicke,
Avec l'anatomie et la physiologie, la lésion est devenue le substrat anatomique du diagnostic,
établissant une relation de causalité entre le fait observa et son étiologie. La mise en évidence du phénomène
étiologique, l'origine du processus lésionnel, permettait de faire entrer l'ensemble dans un mécanisme explicatif.
Pour la psychiatrie, il s'est agi de retrouver cette filiation, et donc d'associer aux mécanismes observés
un mécanisme causal, une lésion : le transport intracorporel de l'utérus en est un avatar historique. La paralysie
générale, les dégénérescences cérébrales, les pathologies traumatiques, infectieuses ou toxiques entraient dans ce
raisonnement. Mais, d'autres se refusaient entrer dans ce schéma : les névroses, et singulièrement l'hystérique,
qui donnaient à voir et à entendre du symptôme sans lésion ; certaines psychoses (paranoïa, psychose
hallucinatoire chronique…) ont obligé le clinicien prendre en compte les interactions milieu malade. La
naissance de l'analyse, portée par l'hystérie et accouchée par Freud amenait un changement radical dans la
conception des phénomènes qui devenaient intrapsychiques, inconscients. Le développement parallèle de la
biologie donnait un biais pour maintenir le processus clinique que nous appellerons lésionnel. Mais, la
clinique, en s'enrichissant des névroses, prenait une nouvelle dimension.
Les théories mécanicistes ont alors cédé la place aux théories organo-dynamiques (Ey) la lésion entraîne
une séméiologie qui provoque ses propres réaménagements internes et externes, développant une séméiologie
La nosographie et la clinique ont également une grande connotation culturelle. Ainsi, la PHC qui n'est
pas distinguée de la schizophrénie chez les anglo-saxons. A l'intérieur d'une même culture, les repères sont
parfois même différents. On aboutit ainsi à des résultats curieux : Zarifian rapporte qu'une molécule miracle sur
la schizophrénie aux USA s'est avérée traiter en fait des hystériques…
C'est la raison pour laquelle la nécessité de classifications internationales est apparue, devant permettre,
à la suite d'un compromis, de créer des repères comparables et transculturels.
Passons sur la classification INSERM, gauloise et non exportable, la CIM 9 (OMS), symptomatique
mais complexe et très fine, rendant les classements très difficiles, pour parler du DSM III qui vise l'objectivité,
en excluant de ses critères l'étiologie et les références théoriques. Seuls sont conservés les symptômes, classés
selon cinq axes qui prennent en compte les troubles mentaux (Axes I et II, avec pour ces derniers les troubles de
la personnalité et les troubles du développement), les troubles et affections psychiques (Axe III). Les axes IV et
V (facteurs de stress psychosociaux et niveau d'adaptation et de fonctionnement le plus élevé dans l'année
écoulée) ont une utilité dans certaines situations cliniques dans un but pronostic et thérapeutique.
Ainsi est constitué un "arbre de décision dichotomique permettant d'arriver à une seule solution
diagnostique si le tableau symptomatique n'est pas univoque" (Zarifian). Mais, tous les patients n'ont pas lu le
Le DSM III est donc une référence nosographique de compromis, permettant de constituer des groupes
homogènes de patients identifiables pour une étude limitée dans le temps. Il a donc un caractère réducteur sur
lequel il est nécessaire d'insister.
L'exclusion des névroses, justifiée par le caractère théorique et étiologique de leur clinique et par
l'absence de consensus sur la manière de définir la névrose, nous parait assez symptomatique. La névrose est
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remplacée par "trouble névrotique" qui n'a donc qu'un caractère descriptif, correspondant au symt6me. C'est là,
nous semble-t-il, un véritable contresens quant la nature même du processus.
On retrouvera donc les symptômes névrotiques au milieu des "troubles anxieux" (phobies, névrose
d'angoisse -état anxieux-, trouble obsessionnel compulsif), "troubles somatoformes" (trouble factice avec
symptôme physique, trouble de conversion, hypocondrie), "troubles dissociatifs" (amnésie), "troubles de
l'identité sexuelle" (fétichisme, inhibition sexuelle, éjaculation précoce, homosexualité), "troubles factices" (avec
symptômes psychologiques, avec symptômes physiques) et surtout, puisqu'il faut bien assister au retour du
refoulé, "troubles de la personnalité", fourre-tout mettant sur le même plan la schizoïdie, les personnalités
histrionique (hystérie ?) narcissique, antisociale, compulsive (obsessionnelle)
La psychose maniaco-dépressive devient "trouble affectif" et les folies se réduisent aux "troubles
schizophréniques" et aux "troubles paranoïaques". Il n'existe donc plus de folies, mais des troubles du
comportement, susceptibles cependant d'évoluer à l'intérieur d'un cadre souple.
Il est nécessaire de préciser qu'aujourd'hui, des praticiens analystes américains travaillent pour
réintroduire la névrose dans le DSM IV.
La construction clinique de Freud est donc anéantie en son nom même, car liée la découverte de
l'inconscient, élément étiologique, théorique, non quantifiable et non réductible à une structure anatomique, un
comportement. En tant que tel, l'ICS ne se laisse pas comparer.
L'analyse se voit donc éjectée de la nosographie moderne, statistique et efficace, et avec elle le sujet
même du discours. Le symptôme, ramené à un comportement, n'a plus grand-chose à voir avec la loi du
signifiant, les effets de la structure : le sujet devient un théâtre d'opérations qui se déroulent à son corps
défendant sous l'oeil acéré de généraux habillés en savants. Celui qui a son mot à dire, où peut-il le faire
Que devient Jean-Pierre dans cette arène : exclu des troubles affectifs (qui ne supportent pas ce qui ne
leur est pas propre), il devient un schizophrène type "désorganisé", caractérisé par "une incohérence fréquente,
une absence d'ides délirantes systématisées, un affect émoussé, inapproprié ou niais", 295.1…
Biologie
Mendlewicz, dans son Manuel de psychiatrie biologique, précise qu'il serait "regrettable et
dangereux qu'au vitalisme écrasant qui, jusqu'au XIXe siècle et même plus récemment, paralysa les recherches
scientifiques sur le fonctionnement du cerveau doive succéder à présent un réductionnisme biologique naïf qui
ne voit dans l'esprit humain qu'un appareil spécifiquement programmé".
Les progrès actuels de la biologie sont considérables les grandes voies neurotransmettrices du cerveau
sont mises à jour, les médiateurs sont découverts et leurs modes d'action peu à peu percés.
Mais de nouveaux récepteurs, de nouvelles voies, de nouvelles molécules vont encore apparaître.
Le Manuel de Mendlewicz fait le point sur une situation en perpétuel mouvement.
On reconnaît aujourd'hui quatre grands groupes de neuromédiateurs, molécules appartenant au neurone
où elles sont synthétisées, stockées dans sa partie terminale, libres dans la synapse où elles sont aux prises avec
un mécanisme rapide d'inactivation (recapture et-ou dégradation enzymatique).
- les acides aminés, dont le GABA (acide gamma-aminobutyrique) qui représente à
des neuromédiateurs cérébraux. Il a un rôle inhibiteur et intervient au niveau des interneurones (cholinergiques
au niveau du striatum, dopaminergiques, ayant une influence inhibitrice, dans la substance noire). La
convulsion, quelle qu'en soit le mode, entraîne une augmentation du GABA cérébral. Le GABA serait diminué
chez le schizophrène et le sujet âgé. CCAF – Cahiers 5 - Clinique des passions 1 – Journées d’étude des 20 et 21 juin 1987
- les neuropeptides : ils sont localisés dans le système nerveux par leur activité antigénique, induisant
la formation d'anticorps spécifiques. Une vingtaine ont été mis en évidence à partir de trois principaux
précurseurs : le POMC (Proopiomelanocortine) pour la _ endorphine ; la PKA (Proenképhaline A) pour les
enképhalines et la PKB (Proenképhaline B) pour les dynorphines et les néoendorphines. Les enképhalines ont
des propriétés analogues à la Morphine et interviennent dans les voies nociceptives ; la _ endorphine, hautement
cataleptigène, est présente à des taux élevés dans le LCR. du schizophrène, coexistant avec la Dopamine dans
- les prostaglandines sont encore mal connues et interviendraient dans la voie noradrénergique.
• amines quaternaires acétylcholine (AC)
• amines primaires : Dopamine (DA), Noradrénaline (NA), Adrénaline (AD), Sérotonine
C'est dans ce groupe que l'on trouve les neuromédiateurs principalement incriminés dans les psychoses.
On notera que, si l'on se réfère aux publications actuelles, la psychose se résume à la schizophrénie (à
l'intérieur de laquelle se trouve inclue ou reliée la paranoïa) et à la psychose maniaco-dépressive, devenue, on l'a
Egalement se trouvent intéressées les psychoses aiguës, en fait modélisées, par exemple avec le modèle
Elle est, en partie, un effet pervers des chimiothérapies sur la compréhension même de la maladie
mentale et de son support biologique : une molécule, ayant un effet thérapeutique découvert souvent
empiriquement, voit progressivement éclaircir tout ou partie de son mode d'action, éclaircissement dont on
inférera une théorisation de la maladie concernée. Pour les neuroleptiques, c'est la Dopamine qui est en cause, ce
qui induit le modèle dopaminergique de la schizophrénie. Pour la dépression, c'est la Sérotonine ou la NA qui
sont visées. Ainsi, la molécule, devenant discriminante, va entraîner une schématisation nosologique et
étiologique. Par exemple, certains auteurs vont proposer deux types de manie, dopaminergique si elle répond
aux neuroleptiques, noradrénergique si elle répond la Clonidine.
Toutefois, la plupart des molécules focales, raisonnées et produites sur ce mode, se sont avérées
décevantes et les études montrent que l'association chimiothrapie-psychothérapie reste la plus efficace.
Sans entrer dans le détail, il est donc intéressant de reprendre la voie dopaminergique.
Les récepteurs dopaminergiques ne sont pas tous semblables du point de vue de la constitution et du
fonctionnement chimique. Il en existerait au moins deux (mais certains auteurs, partir de l'action du Sulpiride
en proposent 4) : D1 ou H-Dopamine, ayant une haute affinité pour les agonistes, et D2 ou H-Halopéridol,
préférant les antagonistes. Les récepteurs sont indifféremment pré ou post synaptiques. Chez le schizophrène,
qu'il ait ou non reçu des neuroleptiques, on note dans 2/3 des cas une augmentation du nombre de récepteurs
dopaminergiques, le récepteur D2 étant le plus élevé.
La transmission se déroule de la façon suivante (schéma 1) : Une fois synthétisée, la Dopamine est
stockée dans des vésicules et migre vers la fente synaptique où elle est libérée par exocytose, processus activé
par l'amphétamine ; la DA libre est en partie recaptée, processus inhibé par la cocaïne. Une fraction est inactivée
par les enzymes (MAO et COMT). Le reste vient activer les récepteurs post synaptiques, bloqués par les
neuroleptiques ou stimulés par l'apomorphine. Ainsi, l'amphétamine, la cocaïne, l'apomorphine et la caféine
(sommeil) produisent une hyperactivité DA à des niveaux différents.
Sur l'interneurone cholinergique, la DA a une action inhibitrice. Ainsi, les effets thérapeutiques des
antipsychotiques seraient basés sur le blocage des récepteurs DA : un surdosage provoquerait une hypoactivité
DA et serait associé à des effets secondaires extrapyramidaux dont l'apparition signe le surdosage et impose la
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diminution du traitement. Cette apparition peut être masquée par l'antiparkinsonien qui provoquerait une
hypersensibilité DA. A l'opposé, l'absence d'effet implique une augmentation des doses qui n'a d'intérêt qu'avec
un antagoniste spécifique de la DA (Haldol).
Le déséquilibre DA/AC serait donc central (schéma 2), l'absence de résultat à forte dose devant faire
conclure à un arrêt du traitement, du fait des risques de dyskinésies tardives.
Le problème est cependant complexe car on voit aujourd'hui les travaux se déplacer de la partie
superficielle de la membrane neuronale (récepteurs) à sa partie profonde (métabolisme des nucléotides cycliques -
AMP cyclique notamment du fait de l'action anticalmoduline des NL).
Dans la manie, l'augmentation de l'activité et la fuite des idées pourraient également être liées à une
augmentation de l'activité DA. Le délire, symptôme positif, serait également en relation dans l'un et l'autre cas
Mais, d'autres mécanismes biochimiques interviennent :
- la NA, dérivé hydroxylé de la DA, dont l'hyperactivité, Alpha2 présynaptique pourrait jouer un rôle
- les neuroleptiques ont une action sur la 5 HT. Par ailleurs, il existe des relations complexes entre 5
HT et LSD dont les propriétés hallucinogènes sont connues. Le LSD serait un inducteur d'une déficience
sérotoninergique conduisant à l'état psychotique, mais d'autres observations montrent que l'on a plutôt une
hyperactivité. Les résultats sont donc contradictoires. Cependant, il semble que l'utilisation d'antagonistes des
récepteurs sérotoninergiques pourrait dans certains cas donner de bons résultats, principalement avec un
antagoniste de la sérotonine S2 (symptômes négatifs surtout améliorés). Une association antagoniste de S2 et de
DA pourrait donc avoir d'heureux effets, diminuant l'incidence des effets extrapyramidaux. Une molécule, la
ritansérine, aurait ces propriétés.
- les neuropeptides endorphiniques, analogues à la morphine, sont également impliqués mais,
contradictoirement, soit par excès, soit par défaut. En particulier, le CCK 8 a un rôle neuromodulateur en
relation avec le système DA, et sa carence pourrait jouer un r6le dans la schizophrénie. De même, les
endorphines de type _ pourraient jouer un rôle.
Tous les travaux tendent donc à montrer qu'il existe des sous-groupes de schizophrènes, selon des
critères biochimiques, sous-groupes probablement connectés.
Il existe également des théories génétiques sur ces patients. En effet, si le syndrome schizophrénique
comporte une étiologie génétique, il reste à déterminer quelles schizophrénies sont génétiques. La schizophrénie
dysthymique pourrait être l'une d'elles.
Les études génétiques reposant sur le diagnostic de l'observateur, il a longtemps été difficile de les
comparer. Avec le DSM III, qui isole la personnalité schizotypique et la personnalité paranoïaque, il est apparu
que ces personnalités se retrouvent dans les mêmes familles et font partie du spectre de la schizophrénie. Ainsi,
les troubles schizophréniformes se rattacheraient tantôt à cette famille, tantôt aux psychoses dysthymiques. A
terme, on voit poindre une opposition entre les schizophrénies familiales, comportant des anomalies
biochimiques, et les schizophrénies non familiales où les incidents néo-nataux sont plus fréquents et le volume
ventriculaire plus important au scanner.
N.B. : théories sur le chromosome 21 dont l'anomalie entraînerait une expression précoce
(mongolisme) et une expression tardive (Alzheimer).
Nous ne développerons pas les hypothèses sur les troubles de l'humeur. Retenons que la 5 HT et la NA
sont particulièrement concernées et l'hypothèse est celle d'un contrôle sérotoninergique de l'humeur, les troubles
psychomoteurs et le ralentissement (ou l'agitation) étant liés à la voie NA. La théorie monoaminergique de la
dépression stipule que la dépression traduit cliniquement une diminution des niveaux cérébraux de sérotonine,
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et/ou de noradrénaline, compensée par les IMAO ou les tricycliques. Mais, le perfectionnement technique
déplace aujourd'hui l'intérêt du neuromédiateur au récepteur membranaire, la dépression devenant une maladie
des récepteurs. Il existe une relation entre NA et sensibilité des récepteurs DA qui expliquerait notamment que
le retour à la normale de l'activité NA précède la normalisation de DA et donc que le délire et les troubles du
cours de la pensée ne cèdent qu'en dernier dans cette hypothèse.
En ce qui concerne Jean-Pierre, nous avions observé que les neuroleptiques n'avaient qu'une action
limitée sur les phénomènes d'excitation, d'impulsion et que, associés au lithium, ils ne prévenaient pas les
récidives maniaques. En revanche, la symptomatologie dépressive n'est jamais réapparue. Nous avions
également constaté que les injections d'Haldol Decanoas, Halopéridol, entraînaient régulièrement un court accès
maniaque avec insomnie, mal supporté par les parents. Enfin, les troubles kinétiques et l'hypersalivation
restaient marqués. Après avoir essayé plusieurs antiparkinsoniens, Jean-Pierre a reçu 5 mg d'Artane. Quelques
minutes plus tard, il devenait euphorique, sans agressivité, hyperactif, présentant des hallucinations visuelles.
Le discours était subnormal et ses habituelles stéréotypies avaient nettement régressé. Le soir même, il était
transformé à un point tel que les parents demandèrent quel nouveau médicament il avait reçu.
L'effet de l'Haldol et de l'Artane évoquaient donc une action AC au niveau des mécanismes déficitaires,
l'effet anticholinergique, en diminuant les troubles vasomoteurs, améliorait la psychose.
C'est pourquoi, la thérapeutique a été modifiée dans le but d'obtenir des résultats analogues avec la
neuroleptisation. Parmi les NL, ce sont les phénothiazines qui sont le plus anticholinergiques. Il reçoit donc
Melleril et Moditen. Par ailleurs, les agonistes GABAergiques ayant une activité inhibitrice de la transmission
DA, le lithium a été remplacé par le Tegretol, afin de mieux contrôler l'humeur par ce biais. Pendant plusieurs
semaines, ces hypothèses se sont trouvées vérifiées et Jean-Pierre est apparu métamorphosé, au niveau du
comportement social, mais également du discours, la qualité des entretiens étant toute autre. Il est possible que
les effets s'atténuent avec le temps et la difficulté reste de trouver la bonne posologie, chez un patient jusqu'alors
à toujours très fortement neuroleptisé.
Chez Freud, la névrose serait le résultat d'un conflit entre le moi et le ça, la psychose l'issue analogue
d'un trouble équivalent dans les relations entre le moi et le monde extérieur. Le moi, en se retirant d'un
fragment de la réalité se met au service du ça.
La refonte de la réalité porte, dans la psychose, sur les sédiments psychiques des précédentes relations à
la réalité : la psychose va créer de nouvelles perceptions propres à correspondre à la nouvelle réalité, "but atteint
de façon radicale par les hallucinations".
Le monde fantasmatique est le "magasin où sont pris la matière ou les modèles pour la construction de
la nouvelle réalité", le problème est donc ce qui se substitue à la réalité.
Il me semble que c'est sur ce point qu'intervient le travail de Lacan, et que ce travail de substitution est
directement lié à la forclusion, concept d'ailleurs lui-même substitué par Lacan au terme freudien de Ververfung.
La forclusion est un terme judiciaire qui signifie "déchéance du droit". Forclore, c'est exclure, déclarer
une personne non recevable à agir en justice après le délai prescrit. En allemand, le terme usuel est
Ausschliessen, la forclusion Verwirkung, Verfall, Ausschliessung.
Aucun de ces termes n'apparaît dans le texte freudien, Freud utilisant le terme Ververfen, récuser,
réprouver. Le concept, dans son acception lacanienne, est forgé de toutes pièces, et imposé par Lacan dans la
genèse des psychoses comme Freud, avant lui, avait imposé la pulsion de mort.
Le passage du système perception-conscience à la pulsion de mort traduit, en quelque sorte, le passage
chez Freud de la biologie à sa renonciation à ce système de référence, son élaboration devenant complètement
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Chez Lacan, le passage du rejet, premier terme utilisé par lui pour traduire Ververfung, la forclusion,
concept probablement inspiré par Pichon, me parait une démarche parallèle, induisant la primauté du structural,
qui n'est pas tout entier dans le symbolique, comme le montrera plus tard R.S.I.
Cette substitution évoque dans le schéma I la substitution de I (créé) à P, nom du père forclos,
entraînant la distorsion du schéma R.
On peut y voir également un rappel phonétique des préfixes "Vor" et "Ver" allemands, beaucoup
utilisés par Freud (Vorstellung, Verneinung, Versöhnung, Ververfung…), ce que souligne volontiers Lacan.
S'agit-il également d'une dérive du vort (vort-da) ?
Toujours est-il qu'après Lacan, pour que la psychose se déclenche, il faut que le nom du père soit
appelé en opposition symbolique au sujet, à "la place de l'Autre" où il n'est jamais venu.
Le schéma R montre qu'au point P, sommet du triangle symbolique, au point où "P est appelé dans
A" il existe un trou, du fait de l'échec de la métaphore paternelle. La carence de l'effet métaphorique qui en
résulte provoque un trou correspondant dans la place de la signification phallique, sommet du triangle
imaginaire. C'est le processus psychotique.
La boutique des accessoires, c'est le trou dans le signifié ouvert par le défaut du père. Le signifiant
n'impose plus sa structure, le point de capiton saute, entraînant le glissement infini de la signification. Se
produisent alors des remaniements incessants du signifiant en un "désastre croissant de l'imaginaire" jusqu'à ce
que signifié et signifiant "se stabilisent dans la métaphore délirante". Celle-ci va se substituer à la réalité, y
compris dans l'hallucination, signifiant apparemment "pur" mais en fait soudé au signifié par la métaphore
La distorsion devient possible, et l'on passe du schéma R, au schéma I où I - crée - (il aurait fallu un
miracle pour que Schreiber guérisse !) se substitue P, forclos.
Or, qu'est-ce que I ? : C’est, dans le Réel, l'enfant en tant que désiré. La relation d'objet est constituée
par la dépendance de l'enfant à l'amour de sa mère, c'est-à-dire pour la mère au phallus qui a donc une fonction
imaginaire. Le_ permet la mise en question du sexe par le complexe de castration, en rapport avec la métaphore
Le meurtre du père lie le sujet à la loi, le père symbolique qui signifie cette loi est le père mort. Le
père forclos n'est pas le père mort. I va donc s'y substituer, créant ainsi dans sa toute puissance les conditions de
Comment stopper ces effets de substitution, remettre le "créé" sa place ? C'est, nous dit Lacan, par un-
père, père réel, non pas du tout forcément le père du sujet. Encore faut-il que cet un-père se situe en position tierce dans le couple imaginaire a - a'.
C'est peut-être la voie du traitement possible de la psychose : substituer un-père, père réel "thérapeute"
à la place où le sujet n'a pu l'appeler auparavant, peut alors diminuer les effets de distorsion et, sans faire
s'évanouir la forclusion, permettre au sujet de se souvenir qu'il n'y a pas d'Autre de l'Autre.
Peut-on imaginer une "clinique" de la forclusion ? Il est possible, en tous cas, d'en voir les effets.
Chez Jean-Pierre, les métaphores, les troubles du langage, de la syntaxe, illustrent le trouble croissant
de l'imaginaire. Le signifiant n'impose plus sa structure il n'y a pas de psychose sans trouble du langage.
Tous les troubles du langage ne sauraient s'identifier à la psychose. Posons la question des troubles
démentiels qui, en tant que tels, rappellent le processus psychotique, comme si, progressivement, c'était la
forclusion qui s'imposait organiquement au sujet.
Chez Jean-Pierre, la pulsion, trésor des signifiants liant le sujet à sa demande (c'est quand la demande
se fait que la pulsion commence"), est directement agie dans l'impulsion : il veut tuer son père qui s'interpose
CCAF – Cahiers 5 - Clinique des passions 1 – Journées d’étude des 20 et 21 juin 1987
entre lui et sa mère, il veut caresser les cheveux de sa mère, et le refus de celle-ci entraîne un déchaînement
incontrôlé de la violence. Il n'y a plus de loi, tout est permis. La mort du père, l'identification au désir de la
mère, sont mises en actes et celui qui s'interpose, d'ailleurs objet du désir dans le réel, doit être anéanti. Il est
"le fils unique", né de sa "mère à Mamers", c'est "bien d'être fils unique" n'est-ce pas là le phallus jamais mis en
C'est l'organisation familiale qui peut être le symptôme de la forclusion : le père est incapable
d'assumer la loi. Il préfère partir en vélo quand il entend son fils gronder. Il renonce aux séances bimensuelles si
Jean-Pierre est un peu agité. Jean-Pierre, tyran, donne par ses actes les ordres et chacun s'y soumet. Seul, le
déchaînement de la violence entraînera l'intervention. Mais, le père préfère esquiver. La mère, elle, s'interpose
entre le père et Jean-Pierre. Elle nie la maladie, elle nie le thérapeute, faisant et défaisant à son gré les
traitements. Le père n'est pas reconnu comme père, il est volontiers châtré, et le fils est identifié au phallus dans
la réalité. Ne dit-elle pas souvent "c'est moi qui doit intervenir pour protéger le père". La violence prend-elle une
tournure dramatique ? Elle s'oppose à l'hospitalisation ou à une intervention. Le père alors demande "à qui
s'adresser", ou se déprime, menaçant de partir et de tout laisser en plan.
La position du thérapeute, c'est en quelque sorte celle d'un-père : rétablir la loi, tenter d'y soumettre le
sujet, remettre I à sa place, désidentifier le sujet du phallus afin qu'il accède à l'Autre. Mais cette position doit
rester décentrée, stratégique, car elle vise à tenter de permettre au Père de jouer lui-même ce rôle d'un-père. Il ne
s'agit pas que le thérapeute soit pris pour la loi, mais qu'il en soit un représentant auquel doit se substituer le
père réel. Cette reconstruction, diminuant les effets de la distorsion, restaure artificiellement le jeu oedipien et la
loi de l'interdit de l'inceste, a'< a de L permettant au sujet de reprendre sa place en regard du phallus.
Les interfaces, ce n'est donc pas réduire la métaphore délirante à l'activité dopaminergique. On a vu
pour Jean-Pierre que le diagnostic entraînait des choix thérapeutiques. Pour que ceux-ci se déroulent avec
continuité, il faut que soient pris en compte l'évolution clinique dans des systèmes de référence ouverts, les
conséquences des effets de ses traitements et les effets de sa forclusion.
Dans le Phédon, Platon pose que la construction de la science est la seule vraie réponse que l'on puisse
faire à l'opinion (doxa). La mise en oeuvre du savoir est en même temps la preuve de sa validité. Le Philodoxe
se laisse fasciner par la perception, le philosophe accepte l'idée que connaître, ce n'est pas seulement percevoir,
mais également accéder au réel, qui n'est pas que perçu.
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Références
American Psychiatric Association Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders IlIrd Edition,
S. Freud, Névrose, Psychose et Perversions, PUF, 1973, Paris.
J. Lacan, Ecrits, Le Seuil, 1966, Paris.
J. Mendlewicz, Manuel de Psychiatrie Biologique, 1987, Masson, Paris.
Collection "Cliniques" : La querelle des diagnostics, 1986, Navarin.
Journal of Kathmandu Medical College, Vol. 2, No. 2, Issue 4, Apr.-Jun., 2013Sanjaya Mani Dixit, Lecturer, Department of Pharmacology, Kathmandu Medical College Teaching Hospital, Kathmandu, Nepal Abstract Background: AL
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